Description
“J’ai vu la voiture qui s’éloignait rapidement dans le noir. Ses feux arrière ont brillé quelque temps encore avant de disparaître pour de bon. La route avait pris un mauvais tournant. J’aurais dû pleurer, trembler de peur, de froid, frissonner de honte, invoquer le ciel, mais je n’en ai rien fait. Je me suis contentée de regarder autour de moi en me demandant sur quelle planète j’étais. L’endroit était sinistre: un cap de roche suintant, une eau sourde et monstrueuse qui longeait hypocritement la route à quelques pas de moi. Une odeur d’orage. Les oiseaux s’étaient tus, les arbres retenaient leur souffle. Un éclair traversa le ciel et j’entendis tout à coup une drôle de petite voix qui disait: “S’il te plaît, dessine-moi un saumon.”
C’est ainsi que Nicole Filion raconte son arrivée dans la vallée de la Matapédia, bien involontaire puisque le bon samaritain qui l’avait prise à bord de sa voiture trouvait qu’elle chantait trop mal pour continuer plus longtemps la route avec elle. Ses valises dans les mains, Nicole Filion est donc entrée dans la petite ville d’Amqui et s’y est établie: une petite maison au bord d’une rivière, un mari chasseur, des enfants pas tout à fait comme les autres, une mère, une femme et une écrivaine qui savent voir une réalité comme nul autre ne le pourrait: dans les supposés petits faits quotidiens d’une presque anonyme ville de l’arrière-pays, de grandes forces telluriques sont à l’oeuvre, porteuses d’un onirisme dont Nicole Filion, par petits tableaux qui composent autant de nouvelles, nous révèle aussi bien la légèreté que la pesanteur. Dans ces textes, tout est affaire de ton et celui des Nouvelles locales nous fait découvrir une grande écrivaine, rien de moins.